lundi 17 février 2014

SYNAVI LORRAINE - AU VENT MAUVAIS - ARTICLE PARU DANS LE SUPPLÉMENT ÉCO & SOCIÉTÉ DE L'ESTRADE N°39 - FÉVRIER 2014 PAR HÉLÈNE MUSQUAR DELANCHY


AU VENT MAUVAIS

Dans un contexte économique et social défavorable qui risque de mettre à mal les budgets jusqu'ici alloués, artistes et acteurs culturels s'inquiètent de l'avenir de leur secteur. Aussi le 13 janvier dernier, une journée d'action et de réflexion nationale a-t-elle été consacrée au sujet.

À Nancy, le débat a pris place dans une salle du Théâtre de la Manufacture. Acteurs de la culture institutionnelle, comédiens indépendants, artistes syndiqués et gratin politique du grand Est se sont retrouvés pour dialoguer autour de trois questions fondamentales : Quels liens dans la cité au quotidien entre l’art, l’artiste et le citoyen ?, Quelle économie pour quels projets culturels ? et enfin Quelle place pour la culture dans le développement des territoires ? Quelles perspectives ? L'objectif de concertation comme les enjeux sont réels, bien qu'il soit évident que le monde de la culture souhaite profiter de la saison électorale fournie qui s'annonce pour replacer au coeur des débats électoraux la question de la culture, et si possible, peser sur les orientations des campagnes des uns et des autres.
L'ensemble des personnalités réunies a fait chorus autour de la nécessité de soutenir un secteur qui « contribue à hauteur de 58,7 milliards d’euros au PIB de la France, soit sept fois plus en valeur ajoutée que le secteur automobile » selon Michel Didym, directeur du Théâtre de la Manufacture, reprenant à son compte les chiffres du ministère de la Culture. Les uns de rappeler que la culture ne devait en aucun cas être « la variable d'ajustement des budgets de l'État ». Les autres d'insister sur l'importance de son existence comme de son développement constant dans une société où la mixité, le lien social et la culture pour tous s'érigent en valeurs fondamentales. Les élus présents opinent du chef alors que la « scène colère » se fait peu à peu ressentir dans la salle, car le fait est que les budgets fondent comme neige au soleil.
Bertrand Masson et Jean-Pierre Moineaux, tous deux élus en charge de la culture au Conseil Régional, ont été vivement interpellés sur la diminution des moyens accordés au secteur culturel par l'institution. Cyril Thiebaut, membre du Conseil national du Syndicat National des Arts Vivants, a rappelé que plusieurs dispositifs d'aide à la création à destination des compagnies avaient été purement et simplement supprimés sans préavis ni informations quant aux alternatives pour les comédiens. Non content d'obtenir un rendez-vous, le syndicaliste insiste, certainement galvanisé par les applaudissements de la salle, sur « la nécessité d'élaborer les dispositifs d'aide à la culture en concertation avec ses acteurs », rappelant au passage que les « modes de fonctionnement existants ne sont ni démocratiques, ni efficients ».
Mais bientôt la salle s'échauffe, tandis que Jean Deloche, directeur de la Scène Nationale de Bar-le-Duc, évoque ses tentatives d'aller vers « une économie du spectacle différente qui permette de mieux diffuser les productions », le fossé semble peu à peu se creuser entre les invités sur l'estrade, élus, directeurs de grandes compagnies et de scènes nationales et les artistes, plus anonymes, réunis dans la salle. Nicolas Turon, metteur en scène, se lève et rappelle « les coûts dispendieux, au détriment des petits acteurs, de la culture institutionnelle » malgré « l'inadéquation des programmations avec le grand public ». Allant jusqu'à parler d'« échec de la décentralisation » il juge que les centres dramatiques nationaux (CDN) ne font pas leur travail en « ne produisant pas suffisamment et en ne soutenant pas les petites compagnies ». Les réactions fusent, tout comme celle de Michel Didym : « Nicolas voit pourtant d'un bon œil que les institutions le financent. En tant que directeur artistique de CDN je ne programme que les meilleurs projets artistiques, leur taille m'est indifférente ».
Quelques émois plus tard, l'intervention de Serge Basso, directeur du centre culturel de Esch-sur-Alzette calme les esprits : « pour faire venir les gens dans les théâtres, il est essentiel de passer par l'éducation populaire ». Car les principaux acteurs de la médiation culturelle sont justement les petites compagnies qui peinent à rassembler trois francs six sous comme le rappelle encore Philippe le Goff, artiste sonore : « les demandes des collectivités sont importantes en la matière et les subventions aux artistes dépendent de cet investissement ». Enfin l'intervention du comédien Yann Berriet est sans équivoque quant aux antagonismes et aux inquiétudes qui agitent la culture : « un rapport a circulé où des directeurs de scènes nationales mettaient en garde le gouvernement contre un saupoudrage des subsides or nous, petites compagnies, ne vivons que de saupoudrage. Les directeurs de grandes scènes n'essaient-ils pas, ce faisant, de préserver leurs grosses dotations au détriment des nôtres ? ».
« Le but n'est pas de déshabiller Paul pour habiller Jacques, mais de demander plus de tissu pour tout le monde » a rétorqué Michel Didym en insistant sur la nécessité que tous aillent manifester à Paris le 10 février prochain, suscitant un rire un peu jaune auprès d'une large partie de l'assemblée. Ce qui laisse à penser que le vrai débat ne fait peut-être que commencer... Hélène Musquar Delanchy

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